Une meilleure représentation des Français en situation de handicap

Tendances / Réalité
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Sandra Michalska
déc. 27, 2022
La visibilité des personnes en situation de handicap dans le paysage médiatique français est pleine de paradoxes. D'un côté, le nageur handisport, Théo Curin, multiplie les projets à la télévision française1, tout en imaginant sa première collection avec Lacoste2. De l'autre, un rapport de l'ARCOM3 pointe la sous‑représentation alarmante de cette communauté.
Notre recherche concernant les visuels utilisés par les marques françaises au cours des
12 derniers mois révèle que moins de 1% d'entre eux montrent une personne en situation de handicap. Si cette statistique est une indication, c'est que le validisme (terme militant qui désigne un système d’oppression sociale que subissent les personnes en situation de handicap) reste la norme. Selon le rapport 2022 de la CNCDH (Commission nationale consultative des droits de l’homme)4, le validisme est fortement ancré dans le regard de la société sur le handicap. 64 % des Français estimant que le handicap est un obstacle au bonheur et à une vie épanouie. Cette vision misérabiliste du handicap est déjà dénoncée par les militants sur les réseaux sociaux5, mais les marques ont le pouvoir de les soutenir à travers des représentations visuelles inclusives et porteuses de sens.
En même temps, il n'y a aucune raison de multiplier les représentations si elles doivent relayer des préjugés déjà répandus et capacitistes. Le “misérabilisme”, tout comme la représentation d'une personne avec un handicap comme une “héroïne” ou un “héros”, contribuent à transmettre une version déformée de la réalité. La représentation projette uniquement le point de vue d'une personne valide, où ‑ au moins visuellement ‑ le handicap équivaut à un fauteuil roulant. Nos recherches sur les visuels utilisés par les marques françaises pour leur storytelling le confirment, avec un handicap physique vu quatre fois plus que la déficience auditive, 10 fois plus que les handicaps invisibles et 10 fois plus que le handicap développemental ou intellectuel. Le reste des visuels se concentrent sur le vieillissement et la diminution de la mobilité liée à l'âge.

Bien que la visibilité des personnes en situation de handicap dans les visuels utilisés par les marques françaises pour leur storytelling soit encore faible, nos recherches indiquent quelques progrès. Nous avons vu que l'inclusion au travail a augmenté de 73 % au cours des cinq dernières années, à la fois sur le lieu de travail et en télétravail, et les personnes en situation de handicap peuvent être considérées comme des collègues et des managers, seules ou en groupe. Néanmoins, avec la faible visibilité globale, représenter les personnes avec un handicap reste occasionnel et rappelle le piège de l’“inspiration porn”, en d’autres termes la représentation de personnes en situation de handicap en tant que sources d'inspiration, exclusivement, ou en partie sur la base de leur handicap.
En fait, la plupart de l'inclusion se situe dans des scénarios d’entreprises, mais qu'en est‑il des loisirs, des voyages, de la famille, des amis ou des couples ? Malheureusement, une grande partie de la population française pense encore que le handicap est un obstacle à la vie sexuelle6, et nos recherches le confirment : moins de 3 % des visuels montrant des personnes en situation de handicap incluent des relations amoureuses. Aucun d'entre eux ne montrait des couples LGBTQ+ ou de parents avec un handicap prenant soin de leurs enfants. À l'école, les enfants sont surtout vus avec des éducateurs, mais ne jouent jamais avec d'autres enfants.
Pourquoi est‑ce important ? Les données des consommateurs de notre étude VisualGPS indiquent que le handicap est l'une des trois principales raisons de subir des préjugés en France. Le changement positif peut commencer maintenant. Il peut s’appuyer sur des choix visuels qui contre‑représentent les personnes en situation de handicap définies par leurs limites. En évitant de supposer que le handicap est synonyme de douleur physique ou mentale, nous pouvons créer des histoires saines avec des choix visuels illimités : des voyages, l'éducation, le travail, la famille et l'amour. Ainsi, lorsque vous choisissez des visuels de personnes en situation de handicap, posez‑vous ces questions, interrogez‑vous sur vos préjugés inconscients :
  • Présentez‑vous les personnes avec un handicap comme des membres actifs de la société ? Ou les décrivez‑vous comme définies par leurs limites ?
  • Transmettez‑vous des messages positifs comme l'amour, l'amitié, la parentalité ou l'épanouissement ? Tous âges confondus et facteurs identitaires croisés ?
  • Présentez‑vous uniquement des personnes en fauteuil roulant ? Envisagez‑vous d'autres types de handicap ? Visible et invisible ?
  • Avez‑vous pensé à l'angle de la caméra ? Le spectateur regarde‑t‑il la personne en situation de handicap ?
[1] RTBF
[2] Lacoste
[3] ARCOM
[4] CNCDH
[5] Nylon
[6] CNCDH
Disrupter le vieillissement en France