Disrupter le vieillissement en France

Tendances / Réalité
Paulo Amorim
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Sandra Michalska
déc. 1, 2022
On dit que “L'âge, après tout, ce n'est qu'un chiffre”. Mais, dans l’univers de la narration visuelle, il ne se réduit pas à un chiffre. On devrait plutôt parler d’une construction, en d’autres termes, d’une vision de ce qu'une personne âgée ou jeune devrait faire, acheter ou être.
À une époque où les marques et les secteurs d’activité cherchent des moyens de s'aligner sur les appels pressants à plus d'inclusion, la construction de l'âge est en pleine évolution. La représentation des seniors en est un bon exemple : entre seniorista, papy hipster et happy boomer, les nouvelles catégories d'âge visent à remplacer les tropes que l'on voyait traditionnellement, comme une femme âgée en mauvaise santé, ou au contraire une super senior qui court des marathons. Nos recherches sur l'évolution visuelle de la représentation du vieillissement montrent que c'était encore le cas il y a encore seulement cinq ans. Les générations anciennes étaient caricaturées1, réduites à quelques scénarios visuels qui renforçaient des stéréotypes établis. Aujourd'hui, les visuels utilisés par les entreprises françaises nous montrent que les marques ont commencé à adapter leur narration visuelle à la multi‑dimensionnalité de la vie des individus.
Ce qui a changé et ce qui pourrait changer
Notre analyse du storytelling visuel des marques françaises révèle que les visuels montrant des personnes actives âgées de 60 ans et plus ont augmenté. Les marques ont commencé, à juste titre, à se concentrer sur ce que les personnes âgées peuvent faire, plutôt que sur ce qu'elles ne peuvent pas ou plus faire. En effet, seuls 8 % des 60 ans et plus en France sont dépendants ou en besoin d’une aide2. Malgré cette évolution positive, il reste du chemin à parcourir pour arriver à une représentation plus juste de leur réalité. Dans trente ans, une personne sur trois en France aura plus de 60 ans3. Cette population continuera à bousculer notre industrie à bien des égards. Pourtant, le secteur de la publicité ne le reconnaît pas vraiment ou ne le montre pas encore assez dans sa communication visuelle.
Les constats :
  • En France, les personnes âgées ont un pouvoir d'achat supérieur à celui des générations précédentes, tout en étant moins endettées. Cette situation financière leur permet de consacrer une part importante de leurs revenus à leurs besoins personnels4.
  • Elles sont les premiers clients des compagnies aériennes, des hôtels quatre étoiles et des croisiéristes5. Néanmoins, nos recherches montrent que seuls 5 % des visuels de voyage utilisés par les marques françaises représentent la population des plus de 60 ans.
  • La communauté des joueurs de plus de 60 ans a doublé au cours des deux dernières années, en particulier celle des femmes de plus de 60 ans6. La narration visuelle montre la plupart du temps les femmes âgées comme des grands‑mères qui transmettent des connaissances aux enfants. Elles sont ainsi souvent représentées en train de leur apprendre à faire des gâteaux. En revanche, elles ne sont jamais photographiées en train de jouer. Étonnant ?!

Si l'utilisation globale des contenus visuels en France manque de seniors, les rôles qui leur sont attribués sont souvent genrés, bien plus que lorsqu'on montre des personnes dans la vingtaine ou la trentaine. Les grands‑mères cuisinent. Les grands‑pères jouent dehors ou randonnent.
"Elle est bien conservée pour son âge. Il vieillit comme le bon vin."
Ce type de remarque genrée reprend généralement des préjugés inconscients existants. Certains d'entre eux sont des constructions sociales, et d’autres poursuivent un seul objectif : vendre. Paris est la capitale mondiale de la mode. La société, et en particulier les femmes, fait face à des normes de beauté 'agressives', incarnées par le fameux mythe de La Parisienne. Le mouvement anti‑âge est toujours bien présent. Il biaise l'expression visuelle autour de la beauté et du vieillissement à travers des portraits en studio de femmes âgées, aux cheveux gris épais, retouchées avec succès. Si la communication visuelle repose sur des compromis et des signes visibles que nous acceptons (ou pas) pour passer des messages, les indices visuels pour illustrer les personnes âgées, et plus particulièrement les femmes âgées, sont le plus souvent liés à l'apparition de rides et de cheveux gris.

Et cela a un impact réel, surtout lorsque l’on sait à quel point la population des 60 ans et plus est exposée à la publicité. Notre enquête VisualGPS, réalisée auprès des consommateurs et des consommatrices, montre que la discrimination perçue par cette population a augmenté au cours des 12 derniers mois. L'âge est le deuxième préjugé le plus rencontré par les consommateurs et consommatrices de 60 ans et plus. Malgré l'évolution positive de la représentation des Français de plus de 60 ans au fil des ans, seul 1 Français sur 10 pense qu'il est représenté avec précision dans la narration visuelle. Les marques ont le pouvoir de changer ce récit ou, même peut‑être un jour, celui de rendre l'âge non pertinent. Et n'oublions pas qu'en sous‑représentant aujourd'hui les générations plus âgées, nous rejetons la représentation authentique de notre futur.
Histoires LGBTQ+ en France